Crédit Suisse, Boeing ou le capitalisme dévoyé

Comme pour Swissair, l’effondrement du Crédit Suisse a été un choc pour beaucoup.
La légende voudrait qu’un simple tweet posté en octobre 2022 ait précipité la banque vers la faillite. Les réseaux sociaux, voilà le bouc émissaire tout trouvé pour justifier cet immense échec.
Comment une banque, un fleuron fondé en 1856, qui a accompagné la Suisse dans sa modernisation au 19ème siècle pouvait faillir ? Inconcevable dans l’esprit de chacun !

Soyons sérieux, ce n’est pas un simple tweet qui a érodé la confiance envers l’établissement. Le Crédit Suisse a cumulé la mauvaise gestion et les faux pas en étant mouillé dans tous les scandales de ce siècle, sans jamais apprendre de ses erreurs.
Quelques affaires parmi les plus retentissantes de ces dernières années :

  • Vases communicants entre les comptes clients (selon Bloomberg) ;
  • Affaire Greensill ;
  • Affaire Archegos ;
  • Affaire de corruption autour de prêts au Mozambique ;
  • Condamnation pour blanchiment d’un réseau bulgare de cocaïne ;
  • Fonds d’origine sulfureuse rapportés par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project.

N’en jetez plus ! Un bon indice pour savoir si une affaire est foireuse est de se demander si Crédit Suisse est impliqué.
La chute n’est pas une surprise, l’action nous renseigne avec précision de la confiance que les investisseurs ont dans cette banque depuis 14 ans.

Une lente et constante agonie qui aura vu le titre passer de 57,1 Frs (12 octobre 2009, donc post crise de 2008) à 2,1 Frs (15 mars 2023) soit une destruction de valeur de 96% en 14 ans.
Lors du fameux tweet félon du 1er octobre 2022, le titre cotait 3,9 Frs. A ce moment et pour paraphraser Woody Allen : « Dieu est mort, Marx est mort et le Crédit Suisse ne se sentait pas très bien ».

Comment en est-on arrivé là ? Comment cette organisation a pu cumuler tant d’erreurs sans jamais apprendre ? Les questions à se poser relèvent de la gouvernance et des opérations.

Selon le Code des Obligations suisse, le conseil d’administration a notamment pour mission : exercer la haute direction de la société et établir les instructions nécessaires. Fixer l’organisation. Fixer les principes de la comptabilité et du contrôle financier. Exercer la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion pour s’assurer notamment qu’elles observent la loi. (Art. 716 CO)

En résumé le conseil d’administration doit fixer la stratégie et contrôler sa bonne exécution dans le respect des lois. Il est incontestable que ce fut un échec sur toute la ligne.

Pour le Crédit Suisse, la haute direction a été assurée par Monsieur Urs Rohner, membre de la direction générale comme chief lawyer de 2004 à 2009, puis au conseil d’administration dès 2009 et président du conseil de 2011 à 2021. Pendant son règne de président, le cours de bourse aura dévissé de 70% et ce, de façon régulière et constante. Malgré sa contre-performance, Monsieur Rohner est resté tranquillement à son poste en engrangeant 52 millions pour ses services. On comprend mieux qu’il se soit accroché à son siège comme le pou du pubis à son poil.

L’entreprise capitaliste prône la création de valeur et la haute direction est garante de cette mission.
Toutefois, cette règle universelle ne semble pas s’appliquer au Crédit Suisse. En effet, il y a lieu de croire que la haute direction ait été formée par une clique qui s’est généreusement servie en bonus divers tout en se protégeant mutuellement entre gens de bonne compagnie, sans jamais rendre de comptes.

A l’opérationnel et selon Bloomberg, Crédit Suisse a changé de culture en licenciant nombre de cadres expérimentés liés au contrôle des risques pour les remplacer par des jeunes sans expérience.
Ainsi, ils ont délibérément enclenché la machine infernale sans que des résultats probants démontrent la pertinence de leur stratégie.

Enfin, dans les entreprises de grande taille, les directions évoluent dans le monde abstrait des modèles et des chiffres et perdent de vue les réalités opérationnelles. Elles définissent des stratégies fumeuses et absconses que le reste de l’encadrement appliquera sans critique de peur des sanctions.
Finalement cette mécanique ressemble au « grand bond en avant » de Mao avec les conséquences que l’on connait, soit entre 15 et 55 millions de « décès anormaux ».

Accessoirement, le Crédit Suisse représentait un risque systémique, le fameux too big to fail. Cela implique que l’état est sollicité pour éponger le désastre en cas de catastrophe, ce qu’on appelle « socialiser les pertes et privatiser les profits ».
On ne peut plus parler de capitalisme mais d’une forme de communisme à géométrie variable, ce qui est parfaitement inacceptable.

Boeing, même combat
Dans un billet de 2020, j’ai abordé les risques insensés que le management de Boeing avait pris avec le 737 MAX, Nième itération d’un avion dont la cellule date des années cinquante et dont la conception délibérément indigente a provoqué deux crashs mortels en moins de 6 mois. Le résultat net de cette prise de risque inconsidérée par la haute direction est de 346 morts, 22 milliards de pertes cumulées et une réputation définitivement entachée.
Mon billet mettait en cause la gouvernance des grandes entreprises. J’avais notamment relevé le rôle des dirigeants prédateurs qui, pour protéger leur propre intérêt et leur cupidité, sont prêts à toutes les compromissions. Je vous invite à lire cette note d’une cruelle actualité.

La similitude entre Boeing et Crédit Suisse est confondante. Pilotés par des juristes et des comptables (des financiers), ils en oublient que leur environnement est complexe, exige une vision à long terme, de fortes compétences, de l’éthique et une certaine humilité.

Une entreprise repose sur des valeurs partagées, peu importe qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Le comportement de chacun doit être cohérent avec les valeurs déclarées de l’entreprise.
L’ADN historique de Boeing et du Crédit Suisse véhiculaient à peu près les mêmes valeurs : stabilité, responsabilité et sécurité. Dans les deux cas le comportement n’était plus en phase avec les déclarations.

Quelles que soient les raisons qui ont conduit les hautes directions respectives à rompre le lien entre le comportement et les valeurs, les dommages dépassent toujours le gain espéré car le public pardonne rarement la trahison et le mensonge. Dans le cas d’une banque, ce type de rupture est fatale.

On ne peut pas reprocher à Al Capone un comportement de gangster, en revanche on reprocherait au Dalaï-Lama de se comporter comme Al Capone.
C’est pourtant exactement ce que Crédit Suisse et Boeing ont fait, ils se sont vendus pendant des années comme les Dalaï-Lama de leur secteur et se sont comportés comme des Al Capone, n’ayant même pas le courage d’assumer leurs méfaits.

Ces comportements interrogent la gouvernance des grandes entreprises. En effet, les hautes directions jouent avec l’argent des autres dans une parfaite abstraction de toute réalité. De plus, leurs errements sont assurés par la collectivité qui règlera l’ardoise, ce qui constitue une forme de prime à la médiocrité.
C’est la fête à neuneu où le plus con sera celui qui ne s’est pas goinfré, ce qui n’incite pas à la tempérance.

Pour conclure
A mon avis, ce qui est arrivé est extrêmement grave. Non pas pour la perte des milliards car « plaie d’argent n’est pas mortelle », mais par le comportement suffisant que nous avons tendance à adopter. Le « y’en a point comme nous » institué comme une règle de vie nous berce dans l’illusion d’un pays préservé des turpitudes du monde.

Selon le S&P, le classement 2022 des 100 plus grosses banques au monde pointe UBS et Crédit Suisse respectivement en 34ème et en 45ème position. Loin des positions qui furent les leurs par le passé.
Une évaluation portant sur la capitalisation boursière et des actifs entre 2008 et 2019 est tout aussi alarmante. La perte de l’avantage compétitif (aka le secret bancaire) qui nécessite d’être très compétitif dans un monde globalisé aura eu un impact fatal, ce qui n’est guère étonnant.

« Quand le jeu devient dur, les durs commencent à jouer », il va être grand temps de réimaginer notre futur comme Alfred Eicher l’avait fait en créant le Crédit Suisse au milieu du 19ème siècle.
Sans quoi, les lendemains risquent de déchanter.

© Pascal Rulfi, avril 2023.

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La conformité, un lent poison ?

En matière économique et industrielle, les normes sont des référentiels communs et documentés, élaborés par des experts et destinés à harmoniser l’activité d’un secteur.
C’est en 1906 déjà qu’apparait la Commission Electrotechnique Internationale. C’est historiquement la première instance de normalisation dont la première réunion a été présidée par un certain Siemens. La bien connue ISO, Organisation Internationale de Normalisation, voit le jour en 1947 et a pour mission de produire des normes internationales dans les domaines industriels et commerciaux. L’ISO est issue de fédérations bien plus anciennes.
Ces organisations ne sont pas récentes, elles ont accompagné l’industrialisation et facilité la globalisation de nos sociétés.

Les normes ont pour but de faciliter l’interopérabilité des systèmes. C’est un facteur de progrès et de baisse des coûts dans la production des biens et des services.
Une simple vis fait l’objet d’une norme qui fixe notamment le diamètre et le pas du filetage. L’avantage est que n’importe quelle vis est compatible et interchangeable. Auparavant, chaque fabricant créait ses vis avec des caractéristiques propres, ce qui obligeait le consommateur à acheter la vis de remplacement chez le fabricant d’origine au prix que ce dernier avait décidé, sans aucune valeur ajoutée pour le client.

Cet exemple simple est également applicable pour des systèmes très complexes tels qu’on les trouve dans l’informatique où les normes facilitent l’interopérabilité entre machines de nature différente. Ainsi, un téléphone, un ordinateur ou un capteur se connectent sur internet et conversent selon le même protocole normé, ce qui n’a pas toujours été possible.

Un industriel peut établir ses propres normes et méthodes, notamment parce que ses exigences sont beaucoup plus élevées que celles fixées dans les cahiers des normes internationales. Par exemple, le secteur de l’aviation est un des domaines les plus complexes de l’ingénierie où des entreprises telles qu’Airbus ou Rolls Royce établissent leurs propres normes qui dépassent de loin ce qu’on trouve dans les normes standards.

Le contrôle qualité.
Un industriel peut choisir de sous-traiter une partie de la fabrication de ses produits à une entreprise tierce selon son cahier de spécifications et des normes précises.
Dès lors, il s’agit de contrôler la qualité de la production déléguée au sous-traitant. C’est ainsi qu’on trouve le service qualité qui, hébergé chez le sous-traitant, représente le client.

Le service qualité est garant de la conformité des produits en regard des spécifications imposées par le client. L’indépendance de ce service qualité est la clé du succès de la démarche et ne tolère pas de compromission. L’affaire du Boeing 737 MAX l’a démontré, la FAA a accepté une part d’autocontrôle par l’industriel sur sa propre production. Fort de cette liberté, ce dernier a pris ses aises avec les funestes conséquences que l’on connait.

Donc, le contrôle qualité est en charge de vérifier la conformité d’une exécution en regard du cahier des charges et des spécifications.
Le fonctionnement est logique et sain, tout est bien dans le meilleur des mondes.

La traçabilité.
J’avais entendu que 10 ans après la fin du programme Apollo en 1972, la NASA aurait été incapable de retourner sur la lune. Le programme lunaire s’était déroulé dans une grande effervescence afin de respecter l’ambition du Président Kennedy « de poser un homme sur la lune avant la fin de la décennie ».

Cette rumeur, que je n’ai jamais pu vérifier, prétendait que toute l’expérience et la connaissance accumulées dans l’urgence du programme avaient été perdues car elles n’avaient pas été tracée. Au fil des mouvements du personnel impliqué dans le programme Apollo, ainsi que des retraites, le savoir a été disséminé.
Toujours selon la rumeur, les normes de management de la qualité telles que ISO 9000 seraient la conséquence de ce constat.

Normer, tracer, contrôler, certifier sont les bases du métier d’industriel et permettent de créer des objets aussi complexes que des avions. Un avion est un meccano géant et complexe d’éléments fabriqués dans plusieurs pays par des centaines de sous-traitants. La coordination et la précision de la logistique doivent être absolument parfaites et la qualité des composantes sans failles. Le tout dans un contrôle des coûts draconien afin de rester compétitif face à la concurrence.

Les limites de l’exercice.
La norme, le contrôle, la conformité et la traçabilité sont les outils nécessaires à l’efficacité du processus industriel. L’application de ces méthodes en toutes circonstances serait le graal pour réussir dans tous les domaines. C’est en tout cas ce que les bureaucrates tendent à croire.

L’exemple de la « normalisation de la courbure de la banane » par l’Union européenne aura fait les beaux jours des polémistes de tous bords. A défaut de normer la courbure, il existe bien un règlement (CE) n° 2257/94 qui fixe les normes de qualité pour les bananes.

Le fantasme bureaucratique veut que dans un marché parfait, les biens doivent être de nature et de qualité comparables. Pour avoir une compréhension universelle du bien à comparer, il faut donc un référentiel descriptif univoque qui spécifie l’objet.

Dans notre exemple de banane, le règlement fournit quelques savoureuses caractéristiques. En voici trois :

  • pratiquement exemptes de parasites,
  • exemptes de malformations et de courbure anormale des doigts,
  • les bananes de Catégorie I doivent être de bonne qualité.

Le « pratiquement exempte », la « courbure anormale » ou la « bonne qualité » ne sauraient être des caractéristiques mesurables de façon univoques. On peut en rire mais cela traduit la difficulté de normer, en particulier en matière de vivant. Par ailleurs, l’exercice serait parfaitement scandaleux si on tentait de normer l’humain « normal ».

La description exhaustive et univoque d’un article est un exercice difficile voire impossible.
La dérive apparait lorsque que de trop nombreux technocrates sont dédiés à la ponte continue de normes en quantité industrielle générant une bureaucratie constipante pour toutes les activités économiques.

Gestion du risque.
A mon avis, le système dérape lorsque le contrôle et la conformité deviennent l’outil de régulation du risque.

Etablir la matrice des risques relève de la bonne et saine pratique de gestion, à telle enseigne qu’elle fait partie des obligations légales pour les entreprises (art. 961c CO).
L’appréciation des risques est un exercice d’introspection intéressant qui permet d’objectiver notre exposition et évaluer les risques inutiles, viables ou potentiellement bénéfiques.

Malheureusement, la tendance naturelle des organisations est de minimiser le risque dans l’absolu. Ainsi, à chaque risque on établit une parade, voire un règlement. Et pour faire bonne mesure, on fixe les contrôles de conformité avec, si possible, les peines appliquées à tous ceux qui transcenderaient la règle.
On peut y voir le triomphe de la technocratie, la victoire du contrôle sur le faire.

Ceci est d’autant plus étonnant dans une société qui se veut libérale et où le risque est fortement valorisé. L’entrepreneur qui prend des risques et qui réussit est pris en exemple. Pourtant, on s’ingénie à imposer des cautèles de toutes sortes. Par exemple, les banques ont massivement étoffé leurs équipes en charge de la « compliance » afin de respecter l’ensemble des règles imposées. A entendre ceux qui les subissent, la masse de contrôles pénaliserait grandement la capacité de faire des affaires.

Les vérificateurs de toutes sortes sont rarement de joyeux drilles prêts à prendre des risques, ce n’est d’ailleurs pas ce qu’on attend d’eux. Toutefois, la part grandissante des instances de contrôle dans les organisations instaure un schéma de pensée qui ne favorise ni la prise de risque ni l’innovation.

Pire, la technocratie a tendance à produire en série des règles et des règlements toujours plus nombreux qui peinent souvent à trouver une justification concrète.
Cette petite anecdote illustre mon propos, il y a quelques années je passais le premier contrôle technique d’un scooter en parfait état. Pourtant, le contrôleur a demandé d’installer un cadre plastique autour de la plaque d’immatriculation « pour ne pas blesser quelqu’un ». Sur le fond, la demande n’avait aucun sens. Faute de débusquer les gros risques qui étaient courant il y a 40 ans, on glisse lentement vers le contrôle de peccadilles qui ne vont pas significativement augmenter la sécurité routière.
En définitive, c’est un gaspillage des ressources car elles sont attribuées à des tâches de peu de valeur, on peut y voir une forme de soviétisation du travail.

A terme ce changement de barycentre dans les pouvoirs peut s’avérer mortifère.
Heureusement, les forces de la concurrence rappellent qu’on ne peut se contenter de tranquillement circoncire les risques et qu’il faut sans cesse innover et apporter de la valeur ajoutée.

Le risque fait partie de la vie, vouloir s’en affranchir est aussi vain que de rechercher la vie éternelle.


Conclusions.
Il est de coutume d’affirmer que l’Amérique innove, l’Asie copie et l’Europe légifère. Attention aux vieux clichés, aujourd’hui l’Asie innove autant que l’Amérique. En revanche, l’Europe totalement assoupie continue à légiférer, prise dans ses peurs et sa nostalgie d’une grandeur perdue.

Le juridisme excessif gangrène notre société au détriment du faire. Je constate que le contrôle et la conformité est devenu le remède pour calmer nos craintes et nos peurs. La peur est mauvaise conseillère, car comme l’a dit Franklin Delano Roosevelt dans son discours d’investiture de 1933, « la seule chose dont nous devons avoir peur est la peur elle-même ».

Nous devons remettre du mouvement dans notre société. Pour cela gardons-nous des législateurs et des bureaucrates déconnectés qui sclérosent le développement toute innovation. A mon avis, la disqualification progressive de l’Europe sur le terrain du numérique est un signe alarmant de notre incapacité à nous projeter autrement que par l’interdiction.

Veillons à ce que notre constipation économique ne vire pas à l’occlusion car, c’est le cas de le dire, nous serions vraiment dans la m….

© Pascal Rulfi, mars 2023.

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Au royaume des psychopathes les bienveillants sont rois.

Le réseau social Linkedin regorge de coach de toutes sortes, allant des facilitateurs d’apprentissages holistiques, aux alchimistes de la transition, en passant par les bonzes de la frugalité positive. D’autre part, j’observe une forme de radicalisation de la violence, que ce soit dans les entreprises ou dans la société civile. Le durcissement des fronts m’interpelle et les récentes frasques d’Elon Musk sont le prétexte à ce billet.

Au rayon des psychopathes.
Nul n’a pu échapper au rachat du réseau social Twitter par le très médiatique Elon Musk, patron fantasque des fusées SpaceX et de la marque automobile Tesla.

Ce rachat rocambolesque à 44 milliards de dollars a certainement perturbé le sommeil du serial entrepreneur. Ce n’est pas avec les bénéfices du réseau gazouillis que le nouveau propriétaire va se refaire. En effet, de 2010 à 2021 les pertes nettes cumulées de Twitter se sont élevées à 1.305 milliards de dollars.

Pour le commun des mortels, l’ampleur de ces chiffres vertigineux nous dépasse au moins autant que la stratégie qui a présidé à cet achat. Mais là n’est pas mon propos, ce qui retient mon attention, c’est la rare brutalité avec laquelle Monsieur Musk a licencié 50% de l’effectif immédiatement après son emplette.

La majorité des employés ont été avertis par un simple mail. Un collaborateur raconte avoir compris être licencié après avoir été éjecté en pleine visioconférence car son accès avait été révoqués sans autre forme de procès. Un licenciement massif et en fanfare quitte à réengager quelques collaborateurs dont on s’aperçoit après coup qu’ils sont indispensables au bon fonctionnement de la plateforme.
Quant aux employés restants, certains ont reçu l’ordre de travailler douze heures par jour, sept jours sur sept.

La méthode n’est pas nouvelle, au mois de juin 2022, la direction de Tesla a décidé de virer 10% de ses effectifs, soit 10’000 personnes, suite à un « mauvais pressentiment » du patron, l’ineffable Elon Musk.

Est-ce que ce comportement peut être expliqué par le syndrome d’Asperger dont le Sieur Musk se proclame être atteint ? Ce trouble neurologique est caractérisé par une déficience marquée dans les interactions sociales et un trouble de la réciprocité. Ceci expliquerait cela.
Arrogants, manipulateurs, insensibles, séducteurs, dominants et n’ayant peur de rien sont les qualités attribuées aux psychopathes. Des qualités qui m’interpellent, aux psychiatres de nous éclairer.

Au rayon des bisounours.
A l’opposé de ce monde extrêmement brutal, nous observons l’émergence de concepts de management mièvres et fumeux. Bienveillance, bonheur au travail, babyfoot et autres gadgets réunis sous le vocable de bullshit management par ses détracteurs. Ils sont le pendant à la brutalité dénoncée précédemment, un sparadrap curatif pour panser les plaies des plaies du management brutaliste.

Le Chief Happiness Officer formé en trois jours est le cache-sexe des dirigeants schizophrènes et psychopathes qui promettent aux actionnaires la révolution disruptive à chaque rapport trimestriel.

Finalement cette bienveillance ordonnée est une délégation professionnalisée d’une forme de paternalisme d’antan. Je me dis qu’il faut avoir perdu pied dans la réalité de ce qu’est une entreprise pour accueillir cette bouillie de bons sentiments sans se sentir infantilisé, voire humilié.

A ce propos, on lira l’excellent ouvrage à paraitre « Leadership, agilité, bonheur au travail…bullshit ! » [de C. Genoud, édition Vuibert, avril 2023] qui décrit et questionne ces nouvelles tendances du management en s’appuyant sur une abondante et solide littérature spécialisée.

Ce gloubi-boulga managérial est une tentative de normalisation de différentes pratiques théorisées, si possibles brevetées qui génèrent un nouveau marché ; celui du conseil en management. On peut y voir une adaptation du principe de Lavoisier : rien de se perd, rien ne se crée mais tout se monétise.

Nous, le vulgum pecus.
Enthousiaste, extravagant et sans filtre, Elon embarque les foules dans ses délires dont certains, il faut le reconnaitre, aboutissent. Bien d’autres ont utilisé les mêmes ficelles, certains de triste mémoire.

Mais quel besoin avons-nous de déifier les marchands de promesses et les vendeurs de lendemains qui chantent ? Pourtant nous sommes avertis : les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

Alors que le surhomme n’existe pas, nous voulons croire à cette fable. L’homme providentiel est très rare et dépend fortement d’une conjoncture particulière. Dès lors, nous devrions nous poser la question à l’envers : qu’est-ce qui pousse un individu à monter sur le podium ? Quelle force anime cette personne pour croire à son brillant destin ? Quel orgueil démesuré le pousse se croire providentiel ? Est-il prêt à tout pour accomplir son projet ?

En conséquence, nous devons réfléchir et maitriser notre propension atavique à idolâtrer le supposé Übermensch. Posons-nous ces questions : de quoi souffre-il ? Où nous mène-il ? Quels dangers nous fait-il courir ?
Répondre à ces questions devrait calmer nos ardeurs car,

Il ne suffit pas de vouloir très fortement pour pouvoir n’importe quoi.

En déclinant cette réflexion, je m’interroge sur ce que nous percevons comme l’élite. Des personnes formées dans des écoles supposées d’élites, maitrisant un réseau d’élites, adoptant les codes et le langage des élites, le tout pour mieux mystifier les manants que nous sommes à leurs yeux.

Evitons de donner une prime à ceux qui parlent fort, qui entourloupent par leurs effets de manche ou qui débitent des inepties afin de flatter nos bas instincts.
En revanche, sachons détecter et respecter les savoirs, reconnaitre les expériences et apprécier les réalisations. Quelle que soit la personne et quel que soit le domaine.

Finalement.
Me concernant, j’ai envie de conclure ainsi ce billet d’humeur :

  • A la bienveillance, je préfère la justice et le respect.
  • A la brutalité managériale, je préfère le sens et le respect.
  • Aux hommes providentiels, je préfère des humains dont les parcours et les projets m’inspirent.
  • J’ai une sainte horreur qu’on me prenne pour un idiot.
  • La soumission aveugle ne fait pas partie de mon possible.

Je suis certain n’être pas seul à ressentir les choses ainsi.
A bon entendeur !

S’agissant de Musk, il a su créer le buzz avec sa marque automobile Tesla, son positionnement a été intelligent, sa vitesse de réaction a enfumé toute la concurrence et sa progression a été époustouflante. Ceci dit, les acteurs établis n’ont pas dit leur dernier mot et ont parfaitement la capacité de reprendre la main, simplement parce que leurs ressources sont importantes.
La concurrence va faire rage. Par exemple, janvier 2023, la conduite autonome de Tesla a été jugée moins efficace de celle proposée par Mercedes. Ajoutons que la baisse des prix érode les marges, ce qui se répercutera sur la valeur de l’action, donc de sa capacité à investir.
Au mieux, Tesla se normalisera.
De demi Dieu, le patron de Tesla pourrait ainsi être voué aux gémonies à plus ou moins brève échéance. Hominem te esse memento, souviens-toi que tu es un simple mortel pourrait on lui murmurer à l’oreille comme le faisaient les esclaves lors du triomphe dans les rues de Rome du général victorieux.

© Pascal Rulfi, février 2023.

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L’école et les nombres complexes

Une capsule vidéo a récemment piqué ma curiosité et a déclenché une réflexion sur les méthodes d’apprentissages et les objectifs du savoir.
Cette vidéo, issue d’une mini-série intitulée « voyages au pays des maths », porte sur les nombres complexes.

Voilà un sujet aussi complexe que les nombres qui les caractérisent et qui évoque pour moi quelques souvenirs de mes cours de mathématique. De mémoire, la présentation des nombres complexes s’était limitée à cette explication : « les nombres complexes servent à extraire une racine carrée d’un chiffre négatif ». Fermez le ban.
La suite ne fut que drille pour effectuer un tas de calculs dans le plan complexe, sans vraiment comprendre l’utilité et l’articulation de cet instrument mathématique.
Je crois me souvenir que l’espace de quelques secondes, le professeur avait signalé à titre anecdotique que cela pouvait être utilisé dans les calculs du domaine de vol d’une aile d’avion.

Et voilà que cette capsule vidéo illustre de façon simple ce que sont les nombres complexes. En 10 minutes, elle éclaire sur le sens, met en perspective et permet une visualisation du concept.
Si « une image vaut mille mots », que dire d’une image animée utilisée à bon escient !

L’école, 100 ans de taylorisme.
La division du travail a été appliquée en 1908 par Henry Ford en créant une chaîne assemblage pour fabriquer la Ford T, car selon son concepteur, « rien n’est difficile si on le subdivise en petites tâches ».
Cette méthode, extrêmement efficace, était inspirée des abattoirs de Chicago où les animaux étaient dépecés par étapes, en circulant sur un tapis roulant. Ainsi il a été possible de baisser drastiquement les coûts de production et offrir l’accès à l’automobile au plus grand nombre.

La condition pour que cela fonctionne est de produire des articles extrêmement standardisés. Cette standardisation est illustrée par cette citation légendaire d’Henry Ford : « Un client peut choisir sa Ford T de n’importe quelle couleur, pourvu qu’elle soit noire ».

L’école segmente les matières et découpe les sujets. La segmentation consiste par exemple à isoler les mathématiques et la physique pour ensuite découper chaque matière en petites portions dispensées de façon séquentielle. Chacune de ces portions de savoir donne lieu à une évaluation sans liens entre elles.

Dès lors, le rapprochement entre la division du travail et la division des savoirs laisse clairement apparaitre la similarité de méthodes inspirées du taylorisme. L’école est donc organisée comme une usine.

Par exemple, l’école demande d’apprendre des pages de vocabulaire hors contexte que l’élève bachotera pour réussir son évaluation. La mission aura été remplie de part et d’autre puisque l’enseignement aura été prodigué et l’évaluation aura été conduite. Toutefois sans se préoccuper du sens, de l’utilité et de la rémanence de ces savoirs.
Ainsi, après 10 ans d’apprentissage en classe d’une langue étrangère, les étudiants capables de s’exprimer couramment dans la langue étudiée sont l’exception.

Si une chaîne d’assemblage est efficiente pour produire un bien de consommation standardisé, elle n’est probablement pas adaptée pour transmettre des savoirs. Ceci pour une raison assez simple, la population n’est pas homogène et l’acquisition de savoir n’est pas standardisable.

Objectif savoir.
Je suis convaincu que les savoirs ne se constituent pas en emmagasinant par répétition de la matière vide de sens et je suis conscient d’enfoncer des portes ouvertes en l’affirmant.

Les compétences se construisent par des mises en relation de savoirs disparates. Les liens ainsi établis entre diverses matières mettent en perspectives l’articulation de concepts parfois abstraits et permettent de constituer des savoirs concrets et acquis.

Par exemple, la dérivée partielle est enseignée par le mathématicien comme étant un outil qu’il associe à un ensemble de mécanismes, le plus souvent sans aucune mise en perspective. De son côté, le physicien va asséner des vérités telles que « la vitesse est la dérivée de la position par rapport au temps ». Cet exemple vécu met l’étudiant dans un abîme de perplexité, car établir le lien entre l’instrument mathématique et son usage en physique ne va pas de soi.

Pour revenir à notre capsule vidéo sur les nombres complexes, la présentation du concept fournit une visualisation du fonctionnement de l’instrument ainsi qu’une courte mise en perspective des questions qui ont mené à l’élaboration de cette nouvelle catégorie de nombres. Ainsi présentés, les nombres complexes prennent vie, ce qui nous aide à la compréhension. Pour que la démonstration soit complète, il aurait été intéressant de lier les nombres complexes avec des exemples illustrés d’utilisation concrète.

Mais pourquoi faire ce lien ? Parce que la mise en perspective permet de concrétiser l’usage d’un instrument qui dépasse ainsi le seul intérêt du mathématicien.
Pensez à l’enseignement des fractions, de leur utilité et du lien avec la règle de proportionnalité. Pourtant cet instrument que nous utilisons tous les jours serait mal maîtrisé par la majorité.

Pourquoi est-ce important ?
J’ai souvent le sentiment que les savoirs sont des outils de discrimination sociétaux. Plus les savoirs sont présumés de haut niveau plus on utilise des jargons professionnels qui permettent de se démarquer du vulgum pecus, même s’ils n’apportent pas de valeur ajoutée.

Le devoir du savoir, donc de l’école, est d’outiller les bénéficiaires à résoudre des problèmes de plus en plus complexes et ainsi apporter de la valeur à la société. Il ne suffit plus d’avoir abordé un concept, il faut désormais que ce dernier soit acquis et applicable.

En ce sens, le rôle de l’école et de ses méthodes mérite d’être interrogé.
D’autant que nous bénéficions aujourd’hui d’outils puissants et flexibles qui offrent d’infinies possibilités qu’il s’agirait d’intégrer dans les outils de la pédagogie. Le numérique étant bien entendu au cœur de cette révolution possible.

Interroger signifie non pas de se poser la question de la quantité de matière à intégrer dans les programmes, mais du résultat et des objectifs à atteindre. Puis, se demander quels instruments permettent d’atteindre nos objectifs en tenant compte du rythme de chacun. Ce qui revient à développer la capacité d’un enseignement plus individualisé.

Établir la méthode parfaite, du premier coup, parachutée par une assemblée de spécialistes qui la consignerait dans un manuel définitif me semble voué à l’échec.
En revanche, expérimenter, comparer et partager les différentes pratiques et les évaluer à l’aune d’objectifs clairs a toutes les chances de produire des résultats intéressants.

Réinterroger, essayer, se tromper, mesurer et corriger demande un courage certain. Partager une vision, fixer des objectifs et convaincre est risqué, voire révolutionnaire. Pourtant le seul risque est de s’améliorer. Malheureusement, nous savons tous que ne rien tenter est plus confortable. Mais il n’est pas interdit de rêver…

© Pascal Rulfi, septembre 2022.

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Et si la transition numérique n’existait pas ?

L’informatique personnelle est devenue une réalité à la fin des années 70’. Aujourd’hui, quand j’observe mon téléphone mobile, je mesure le chemin parcouru en 45 ans par les technologies du numérique.

Mais alors, pourquoi cette injonction à entamer une transition numérique alors que rien de ce qui nous entoure échappe à la digitalisation ?

Les rapports, études et autres guides publiés depuis plus de vingt ans par l’Union européenne donnent une vision intellectualisée et politique du magma qui se cache sous le vocable de numérique. Dans la foulée, l’Europe promulgue des initiatives censées favoriser « une transition numérique ».
Ici, le numérique est une forme de solution magique qui doit apporter des bénéfices tels que le raccourcissement des délais, une meilleure expérience de l’usager et une meilleure productivité. Soit.

Très concrètement, les initiatives européennes ne semblent pas avoir provoqué des transitions ébouriffantes et disruptives. Et si la transition numérique n’existait tout simplement pas ?

Les technologies au service d’un but.
Lorsque le constructeur d’automobiles BMW a mis en place son système de « gestion des ressources d’entreprise », il avait notamment pour but une flexibilisation de son outil de production, ce qui lui permettait de proposer des voitures fortement personnalisées alors qu’elles sont produites sur une chaîne de production de grosse série. Cet enjeu industriel colossal est un des facteurs clés qui a permis à BMW de se hisser dans le segment dit « premium ». Ainsi le constructeur bavarois s’est démarqué de la concurrence et a fortement augmenté ses marges.
Si dans les années 60-70, BMW était un challenger d’Alfa-Romeo, aujourd’hui le résultat est sans appel. Le numérique a été un outil au service d’une stratégie claire et qui a apporté un avantage décisif dans le combat sans merci que se livrent les constructeurs.

La compagnie d’aviation Easyjet a rapidement intégré les technologies de l’information dans ses opérations. C’est ainsi qu’elle a très tôt proposé à ses clients un site de commande de billet en ligne.
Easyjet a profité de la déréglementation du ciel européen pour lancer une compagnie d’aviation. Sa stratégie est basée sur une politique de tarifs bas pour percer le marché. La maîtrise des coûts de bout en bout de sa chaîne de production a notamment passé par une simplification des processus de vente en supprimant les intermédiaires.
Une mise en œuvre pertinente des outils numériques a permis à Easyjet d’atteindre ses objectifs et de damer le pion à toutes les compagnies traditionnelles telles que Swissair.
Non seulement le numérique a permis de rationaliser ses coûts de production mais en plus elle offre une expérience unique pour ses clients qui peuvent choisir leurs vols à la maison, sans aide et sans stress, à des tarifs très compétitifs.
Le numérique a aidé Easyjet à mettre sa stratégie en application.

Le numérique facteur de performance.
Les deux exemples montrent que des outils issus du numérique servent efficacement une stratégie pertinente et des objectifs clairs. Ces exemples ne sont volontairement pas disruptifs, ils évoluent dans leurs marchés respectifs en exploitant tous les outils qui peuvent leur apporter un avantage compétitif.

Ces entreprises ont soit participé à l’évolution des produits numériques, soit développé elles-mêmes des produits innovants. Le tout devant apporter de la performance à leurs opérations.
Ces efforts participent à l’amélioration continue qui doit permettre, cas échéant, de creuser l’écart avec la concurrence. Dans nos exemples, il n’y a pas de disruption : une voiture reste une voiture et un service de transport aérien reste un service de transport aérien. En revanche, la qualité, la rapidité ou le prix du service et/ou du produit ont été délivrés avec un avantage concret pour le client.  Cet avantage a été obtenu en établissant une vision claire du résultat souhaité. La mise en œuvre s’est appuyée sur une boîte à outil technologique dont le numérique est aujourd’hui la principale composante.

L’injonction de transformation numérique comme seule motivation n’a pas de sens. Comme l’a dit Sénèque, « il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ». Ainsi, l’Union européenne et les gouvernements peuvent chanter les louanges de la transition numérique, cela restera sans effet, car la transition numérique n’existe pas comme but ultime à l’action.

Il n’en demeure pas moins que les outils issus du numérique sont puissants et apportent de la performance pour qui sait les exploiter.

Et si nous abordions le numérique par le bon bout, en commençant par définir une stratégie et des buts qui serviraient un objectif mesurable, unique et utile ?

© Pascal Rulfi, mai 2022.

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Montre, logiciel et Suisse sont des mots qui ne vont pas très bien ensemble.

Il y a peu, la montre connectée faisait sourire le monde horloger helvétique tant il était convaincu que l’excellence de ses gardes temps était sans concurrence.
Pourtant, Apple est devenu le plus gros horloger au monde, que ce soit en quantité ou en valeur, alors que cette entreprise était inconnue sur ce marché il y a encore 6ans. Aujourd’hui, l’Apple Watch constitue la référence en matière de smartwatch.

La Suisse n’est pas absente dans l’offre de la montre multifonction, notamment avec les excellentes Tissot T‑Touch qui démontrent une grande maîtrise de la microélectronique. Toutefois, en matière de montres connectées, le paysage est plus nuancé, à telle enseigne que les commentateurs spécialisés n’hésitent pas à déclarer que les horlogers suisses ont perdu la guerre des smartwatches.

Montres connectées.
Une montre connectée se caractérise par sa capacité à communiquer avec le téléphone intelligent et par des capteurs embarqués qui permettent d’implémenter des fonctionnalités inédites telles que le rythme cardiaque ou la détection de mouvements.

L’offre émanant d’horlogers traditionnels est plutôt mince. Je passe sur des montres telle que la TAG Heuer Connected qui fonctionne sous le très peu helvétique Android Wear propulsé par un Intel Atom, le « china » gravé dans le fond de boîte clarifie la situation. Je ne m’attarde pas sur les montres connectées qui proposent quelques fonctionnalités connectées telle la récente Tissot T-Touch Connect. Cependant, cette dernière a le mérite d’avoir été développée en Suisse, ce qui pourrait promettre des évolutions intéressantes.

Parmi les rares prétendantes, il y a l’étonnante Alpina modèle Alpinerx Alive qui, sur le papier, propose des fonctionnalités séduisantes pour une montre connectée. De plus, elle est équipée d’un calibre développé à Genève par MMT (Manufacture Modules Technologies). Notons que cet horloger basé en suisse appartient au groupe japonais Citizen.

MMT, beaucoup de technologie mais…
La montre testée est équipée du mouvement MMT-284, prouesse de miniaturisation qui intègre entre autres des capteurs : cardiaque, de mouvement et GPS, une glace tactile ainsi qu’une connexion avec le smartphone. Le tout au bénéfice d’une appréciable autonomie allant jusqu’à 7 jours. De plus, son boîtier arbore une présentation sportive et neutre parfaitement adaptée à un usage au quotidien.
Une telle montre aurait fait les beaux jours de James Bond il n’y a pas si longtemps !

Comme souvent pour ce type de produits, les caractéristiques techniques sont très séduisantes. Reste à savoir si à l’usage on expérimente un outil tout aussi attrayant.
Dans le cas présent et à mon avis, c’est loin d’être le cas ! Mais pourquoi cette appréciation sévère ?

Sans rentrer dans les détails, je note :

La montre

  • Une manipulation peu naturelle. Aucune logique pour commander les diverses fonctions.
  • Des fonctionnalités au périmètre peu clair.
  • Des fonctionnalités nombreuses dont certaines inutiles.
  • Un affichage brouillon, des informations peu compréhensibles, parfois redondantes et non traduites.

L’application smartphone

  • Une application mal structurée.
  • Une logique de fonctionnement parfois incompréhensible.
  • Des informations redondantes et peu claires qui relèvent du gadget.
  • Une intégration montre-smartphone peu aboutie.

Le support

  • Un mode d’emploi lacunaire. Voulait-on imiter l’ascétisme de l’Apple watch ?
  • Un manque d’explications.

Mon but n’est pas de faire une revue complète de cette montre en particulier, ni de faire une liste des doléances. En revanche il est intéressant de tenter de comprendre ce qui mène à une implémentation douteuse alors qu’il y a une véritable opportunité de créer la tool watch du futur.

Pourquoi une réalisation aussi décevante ?
Il y a plusieurs raisons à cela.
Comme je l’ai abordé dans le récent article « l’expérience utilisateur, un indispensable négligé », nous sommes en présence d’un produit conçu par des ingénieurs plus calés en technologie qu’en ergonomie.

Une erreur classique des concepteurs de produits numériques consiste à imaginer le fonctionnement qu’ils jugent bon pour l’utilisateur. Immergés dans leurs projets, les concepteurs n’ont pas le recul nécessaire pour évaluer ce qui est logique et utilisable. Ils oublient que le seul juge est l’utilisateur et personne d’autre.

Une autre erreur classique est de « profiter » de tous les espaces pour ajouter des fonctions et des indications. Ce travers est très courant dans nombre de systèmes informatiques. Par exemple, des champs à renseigner alors qu’ils sont inutiles ou encore, des écrans où l’on cale le plus d’informations possibles sur la surface disponible. La simplicité est une des clés de la facilité d’utilisation.
D’expérience et paradoxalement, la simplicité est ce qu’il y a de plus complexe à mettre en œuvre.

Du point de vue de la gouvernance globale, j’observe souvent une méconnaissance de la direction en ce qui concerne les métiers du numérique. Ainsi il existe une confusion entre les différentes branches du numérique, en particulier entre code informatique et ergonomie. Un bon programmeur ne fait pas de belles applications ! La conséquence est la production de systèmes à l’usage ésotérique.

A propos de systèmes ésotériques, je ne compte pas les exemples où, face à mes remarques, les développeurs de logiciels m’expliquent à quel point leur système est formidable. Dans une position défensive, ils n’écoutent pas et sont convaincus de détenir la vérité. Je peux comprendre cette attitude car leur système est le produit de nombreuses heures de transpiration pour des personnes hautement qualifiées. Le premier venu qui critique le système ne peut être qu’un idiot qui n’a pas compris.
Cette incompréhension mutuelle, que les directions peinent souvent à arbitrer, est à l’origine de bien des systèmes inutilisables.
Nous savons tous que le succès d’Apple tient dans la facilité d’usage de ses produits. Une conception totalement tournée vers l’utilisateur et supervisée avec une attention maniaque par le CEO a été la clé de la réussite d’Apple.

La ligne directrice que je donne à tous les concepteurs systèmes et de produits destinés au grand public est toujours la même. Elle tient en trois mots :

Simple – Evident – Utile

Cette contrainte est d’une extrême simplicité. A chaque étape de la conception, il s’agit de confronter le concept ou la fonctionnalité à l’aune de ces trois mots.

Amusez-vous à observer les objets techniques qui vous entourent : le navigateur de votre voiture, un parcmètre, un bancomat, le site de réservation des trains, votre smartphone. Observez les systèmes qui réunissent les qualités de simplicité, d’évidence et d’utilité. Rares sont ceux qui cochent toutes les cases.

Ceci est d’autant plus étonnant que l’expérience client est un concept qui a été défini il y a près de 40 ans. Si la mercatique se l’est appropriée depuis une bonne vingtaine d’années, rare sont ceux qui l’intègrent dès la conception des produits.

Conclusion.
S’agissant de logiciel, je suis arrivé à la conclusion qu’en Europe, et plus particulièrement en Suisse, on ne sait toujours pas développer des produits numériques.
Entendons-nous, nous ne manquons pas de brillants ingénieurs, en revanche nous peinons à réfléchir en termes d’usage et de produits. Nous manquons de vista, de méthode et d’expérience.

J’ai récemment lu dans mon journal ce commentaire très éclairant : « en Suisse, on perfectionne, on ne réinvente pas la roue ». Cette démarche nous permet d’atteindre l’excellence dans les domaines que nous maîtrisons. En revanche, lorsqu’il s’agit de nouvelles technologies aussi mentalement disruptives que le numérique, notre conservatisme prudent ne nous permet pas de nous hisser parmi les meilleurs.

Notre histoire est intéressante, au XIXème siècle la Suisse était un pays en situation de sous-développement dans une Europe en pleine révolution industrielle. Il a fallu l’énergie visionnaire d’un Alfred Escher, fondateur du Credit Suisse, pour donner l’impulsion qui a projeté la Suisse au rang des états modernes.

Nous avons besoins de cette impulsion pour le numérique d’autant que notre prospérité en dépend.

Et pour revenir sur la smartwatch qui fait l’objet de ma réflexion, je constate qu’une ergonomie médiocre et une implémentation imparfaite gaspillent l’énorme potentiel de cette montre. Il en faut peu pour devenir une tool watch qui dépasse le stade de gadget, mais ce peu représente précisément nos lacunes en la matière.

© Pascal Rulfi, novembre 2021.

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La Cour des comptes rate-t-elle sa cible ?

Fin 2005, le peuple genevois a largement approuvé la création d’une Cour des comptes.
Le terme de comptes est ambigu car il peut faire croire que cette Cour est uniquement chargée du contrôle des comptes publics, ce qui est d’ailleurs le cas dans plusieurs pays.

A Genève, la Cour des comptes a pour but d’assurer un contrôle indépendant et autonome de l’administration. Sa mission est de s’assurer du bon emploi des fonds publics, de la légalité des activités ainsi que de l’évaluation des politiques publiques.

L’administration dispose d’une seconde instance de contrôle : le service d’audit interne dont les tâches sont l’évaluation des processus de gouvernance, de management des risques et de contrôle ainsi que le contrôle des indicateurs de performance des programmes.

A bien des égards, on peut avoir le sentiment que les missions de la Cour des Compte et du service d’audit interne se chevauchent. En tout état de cause, le mot qui les caractérise est le contrôle.

Le parlement a récemment étendu le périmètre d’activité de la Cour en y ajoutant la révision des comptes de l’Etat. Cette mission est assurée par des réviseurs dont le métier est de mener des contrôles d’ordre financier et d’évaluation des risques. Cette nouvelle mission renforce la Cour dans un rôle de contrôleur.

Evaluation des politiques publiques
Dans les faits, la Cour des comptes est constituée d’auditeurs, de réviseurs et d’évaluateurs. Les magistrats titulaires sont majoritairement juristes de formation.
Dès lors, on peut s’attendre à ce que les évaluations de la Cour soient abordées sous l’angle de la conformité légale et règlementaire de l’action publique.

Dans les faits, les analyses de la Cour sont complètes, elles comprennent des appréciations sur la gouvernance, le fonctionnement des structures ainsi que le résultat concret des productions de l’audité.

Les analyses de la Cour sont pertinentes et utiles car elles sont un garde-fou contre les habitudes et un aiguillon dans les pratiques de l’administration.
S’agissant de l’’évaluation des politiques publiques, la mission semble pleinement remplie.

Un bon emploi des fonds publics
L’évaluation du bon emploi des fonds publics permet une grande liberté dans l’interprétation de cet objectif.
Ad minima, l’auditeur va contrôler le respect d’un certain nombre de bonnes pratiques. Je pense par exemple aux procédures de recrutement ou aux procédures d’achat. Plusieurs rapports ont relevé des faiblesses dont certaines ont ému la République.

Ces contrôles contribuent à améliorer les usages et débusquent des dérives dans les dépenses.
En revanche, ils n’augmentent structurellement pas l’efficience des services de l’Etat.

Assurer le bon emploi de l’argent public suppose d’augmenter la productivité tout en respectant l’intégrité des collaborateurs. Deux leviers sont source de productivité :

  1. L’organisation.
    Partage de ressources, flexibilité, redéfinition des services, suppression des doublons.
    Mais encore, évaluation et définition des missions, dimensionnement des besoins et des ressources.
  2. La numérisation.
    Automatisation des processus, réingénierie de la production, modernisation des services à la population.

L’organisation.
Un questionnement de l’organisation permet non seulement une optimisation dans l’attribution des ressources, mais on peut également en espérer plus de sens dans le travail des collaborateurs. Collaborateurs dont le taux d’absentéisme anormalement élevé pourrait démontrer un certain malaise.
Orienter l’organisation vers un service client fluide et qui fait du sens est un challenge qui bénéficie à tous.

Une analyse à l’échelle d’un service ne permet pas de trouver des gains de productivité déterminants. Seule une vue globale et systémique des services et prestations délivrées par l’Etat permet de dresser la cartographie générale du fonctionnement de cette grande machine. L’analyse de l’ensemble permet d’identifier les points qui méritent une redéfinition en vue d’améliorer l’efficience et la qualité des prestations.

Pour atteindre ce but, il faut disposer de compétences liées à l’organisation du travail.
Les industriels disposent d’un service des méthodes qui évalue la façon de produire en optimisant les ressources en fonction des buts à atteindre et des risques qui peuvent être pris. Etrangement, cette structure de support est inexistante au sein de l’Etat.

L’industrialisation des processus de production est un métier d’ingénieur. Esprits scientifiques et pragmatiques, ils sont habitués à résoudre des problèmes et arbitrer des solutions dans la complexité de paramètres multidimensionnels.

La numérisation
Le numérique a bouleversé le fonctionnement et les usages de tous les acteurs économiques. Industries, banques, commerces, voyages, compagnies aériennes, tous ont automatisés leurs processus à des degrés divers. Les métiers ont fondamentalement changé et la production de services a trouvé des gains de productivité significatifs.

La numérisation est intimement liée aux organisations. Elle est généralement attribuée à tort aux « informaticiens ». Lorsqu’il est en charge d’une transformation numérique, ce spécialiste effectue généralement une « business analyse » et va reproduire sous forme numérique le fonctionnement de l’existant. C’est une erreur commune que j’observe dans les projets de numérisation qui débouche sur une valeur ajoutée finale souvent médiocre.

Il s’agit de réinventer les processus en mettant du sens et de la valeur pour le client. Cette analyse demande une grande connaissance des organisations et du numérique. De plus, elle nécessite une certaine créativité et un sens du bénéfice client pour apporter des solutions fluides et du sens dans le processus.
Les qualités nécessaires pour porter ce type de projets sont multiformes : ingénieur, ergonome, spécialiste des organisations, il s’agit de profils experts capables d’imaginer les solutions les plus pertinentes pour répondre aux défis d’une structure complexe aux activités multiples.

Conclusions
La Cour des comptes est un instrument utile, voire indispensable pour évaluer les prestations des services publics. C’est l’équivalent du contrôle qualité dans l’industrie.

Son rôle de contrôleur de la bonne gouvernance des politiques publiques est parfaitement calibré et adapté dans un environnement stable. Son action permet un regard extérieur et professionnel, garant d’une bonne gestion et est un rempart à d’éventuelles dérives dans le bon fonctionnement des services.

Toutefois, l’Etat se trouve dans une situation d’endettement que l’IDHEAP qualifie de « taux d’endettement extrême » (indicateurs MCH2 de 1ère priorité : taux d’endettement net > 200%), de loin le plus élevé de tous les cantons suisses.
Dans cette inquiétante situation, la recherche d’efficience fait partie de la mission portant sur le bon emploi des fonds publics. Il ne suffit plus d’appliquer une bonne gouvernance dans les processus de gestion, mais de réinventer la production de prestations en y intégrant les outils de productivité actuels.

Organisation et numérisation sont les deux principaux leviers de l’efficience. S’agissant de la digitalisation, plusieurs acteurs, dont votre serviteur, affirment que le retard numérique de la Suisse est dramatique.
Il y a plusieurs causes à ces archaïsmes dont je ne vais pas en débattre ici. Toutefois, par sa position privilégiée, la Cour des comptes pourrait être l’initiatrice de la transformation numérique et se présenter comme « le service des méthodes de l’Etat ».

Il s’agirait pour la Cour de passer du rôle de contrôleur-conseiller à celui de consultant qui anticipe et dessine les organisations de demain.
Dans la situation qui est la nôtre, cette transition ne me semble plus un choix, elle est une nécessité.

© Pascal Rulfi, octobre 2021.

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L’expérience utilisateur, un indispensable négligé.

Au quotidien, nous avons tous fait l’expérience de dispositifs mal fichus et à l’ergonomie peu intuitive. Or, une expérience positive est un différenciateur important, voire indispensable tant nous attendons d’un système, d’un appareil, d’une prestation qu’ils soient à notre service en offrant une expérience d’utilisation aisée, rapide et fluide.

Illustrons.
Pour illustrer le propos, je propose de décrire deux expériences vécues il a quelques années comme simple usager d’un aéroport.

Première expérience : pour un vol transatlantique en famille, notre vol faisait escale à Paris.
Quelques jours avant le départ, j’ai reçu un courriel qui m’informait du changement de terminal à l’escale, un plan précisait le chemin et le temps de passage y compris la sécurité ainsi qu’une information concernant mes bagages dont je n’avais pas à me soucier car ils suivaient automatiquement.
Bien que les indications sur place étaient très claires, ce message rassurant parvenu quelques jours avant le vol confirmait que tout était sous contrôle afin que mon expérience de transit se passe sans stress.

Seconde expérience : elle porte sur un vol pour la Corse depuis l’aéroport de Genève. Le billet et l’enregistrement ont été fait par internet. Arrivé sur place, je me soumets à une longue file pour passer la sécurité, une fois passée, on me fait ressortir pour m’indiquer qu’il faut me rendre dans le secteur des « vols domestiques ». Conséquence, je subis une nouvelle file et repasse la sécurité avant de me rendre à l’embarquement.
Voilà l’exemple d’une expérience médiocre, qui a fait perdre du temps à tout le monde et qui démontre de l’apparent manque d’attention que l’aéroport de Genève témoigne à ses clients.

Dans les deux cas j’ai pu embarquer et le service a été rendu. A Paris, en vivant une expérience fluide alors qu’à Genève, en pestant contre l’amateurisme de l’accueil, le stress induit et le temps perdu. En quoi un vol Suisse vers France est un vol domestique ? Et comment peut-on spontanément imaginer qu’il y a un parcours particulier pour la destination France ?

Ce type de mauvaise expérience n’est pas singulière : automates, parcmètres, transports publics, procédures administratives offrent souvent un expérientiel client peu satisfaisant.

Lors de visites de villes, je suis attentif à mon expérience de déplacements avec les transports publiques. A l’usage, je n’ai jamais, je dis bien jamais, effectué un trajet de façon simple et aisée.
Cela commence avec le paiement du transport dont je ne trouve jamais les modalités. Puis, je tente de découvrir la bonne ligne donc : les plans, les horaires et les emplacements des arrêts qui sont rarement indiqués de façon simple et claire. Je note que depuis quelques années, seul Google Maps vient à ma rescousse.

Pourquoi ?
Pour moi, la raison principale est que l’usager n’est jamais au centre de la démarche de conception. J’identifie trois points d’attention qui, s’ils ne sont pas pris en compte, peuvent déboucher sur des systèmes peu pratiques.

La simplicité :
Pour ce qui concerne les dispositifs techniques, ils sont souvent conçus par des ingénieurs plus calés en technologie qu’en ergonomie. De plus, un périmètre fonctionnel de plus en plus large complexifie les interfaces homme-machines. Il est nécessaire de rendre les dispositifs le plus simple possible. Paradoxalement, l’objectif de simplicité est complexe à mettre en œuvre et malheureusement ces aspects font rarement partie du cahier des charges et sont souvent ignorés ou bâclés.
Pas plus tard que cette semaine, je suis venu en aide auprès d’un automobiliste étranger qui n’arrivait pas à payer son stationnement avec le parcmètre. A l’usage, cet appareil concentrait toutes les tares d’un système mal conçu. Pire, il existe nombre de systèmes différents sur le canton qui nécessitent un apprentissage pour chaque appareil.

Le présupposé :
Le concepteur conçoit son service en présupposant des connaissances de l’usager. Il oublie que ce qui lui semble évident, car il le pratique au quotidien, ne l’est pas pour un usager qui ne connait pas l’environnement dans lequel il se trouve.
Le précédent exemple de la file des vols domestiques de l’aéroport de Genève illustre le propos. Ce système a probablement été mis en place pour simplifier la vie des usagers de vols à destination de la France. Toutefois il s’agit d’une exception propre à cet aéroport, l’usager ne peut deviner ce qui semble acquis pour les gestionnaires de la plateforme aéroportuaire.

Le sens :
Le concepteur implémente des fonctions qui ne font aucun sens et qui surchargent le système. Cela est valable tant pour un système technique qu’on surcharge de fonctions inutiles, que pour un processus administratif qui demande toutes sortes d’informations parfaitement superflues.
Tout le monde a expérimenté des systèmes informatiques truffés de champs peu clairs voire inutiles. Souvent les concepteurs se défendent en affirmant qu’on pourrait avoir besoin de l’information.
J’ai l’exemple d’une organisation qui, pour la mise en œuvre d’une prestation en ligne, prétendait exiger le numéro de compte bancaire de l’usager « pour ne pas devoir lui courir après en cas de remboursement ». Dans les faits, le nombre de remboursements était marginal et les usagers sont toujours prompts à réclamer leur dû. En revanche, communiquer ses propres coordonnées bancaires est un frein à l’adoption d’un service en ligne.

Points d’attention
Lors de la conception d’un système ou d’un service, je vous recommande d’être attentif à quelques phrases qui sont autant de petites alarmes. En voici quelques-unes :

« Tout le monde sait que… »
Non ! Ce qui peut vous sembler clair ou acquis ne l’est pas forcement pour vos clients. Assurez-vous que les objectifs et le contexte de votre système soient bien compris par les usagers.

« On peut profiter pour… », « on peut ajouter… »
Non ! Ajouter des fonctions et des informations complexifie inutilement le système. Visez la simplicité, rendez votre système le plus sobre possible. Ne détournez pas le système pour des fonctions que vous imaginez intéressantes. Pour cela concentrez-vous sur l’utilité, encore faut-il la connaitre !

« Au cas où … »
Non ! Surcharger un système pour prévoir des cas marginaux n’a pas de sens. C’est une erreur fréquente lors de processus de digitalisation, préférez une évolution incrémentale basée sur une expérience construite et des besoins réels.

« C’est logique… »
Non ! Votre système vous semble logique car vous l’avez conçu ou vous l’utilisez au quotidien. Mais il ne l’est pas pour quelqu’un qui l’utilise occasionnellement. Observez l’usager et affinez l’ergonomie de votre système.

Comment ?
L’usager n’est pas au service du système. C’est au système de le séduire.
A chaque mise en œuvre, il s’agit d’inventer le système ou le service qui génère une expérience d’utilisation la plus claire, la plus simple et la plus naturelle possible.

Convoquez un panel hétérogène de testeurs et observez attentivement leurs réactions à l’utilisation d’un prototype.
Clarifiez votre objectif et observez s’il apparait clair pour votre panel.
N’hésitez pas à affiner et améliorer votre système jusqu’à ce que vos testeurs le trouvent parfaitement logique et naturel d’usage. N’oubliez pas les facteurs culturels et linguistiques.
Un simple parcmètre peut être compliqué à utiliser. Il suffit de se poster dans la rue devant une machine et d’observer les utilisateurs pour constater les lacunes d’ergonomie. Rappelez-vous, ce n’est pas l’utilisateur qui est idiot, c’est le concepteur !

Évitez les aréopages de spécialistes et les comités de pilotage car il n’en sort que rarement du concret.
N’imaginez pas ce qui est bon pour l’utilisateur. Ce dernier sera le seul arbitre du succès de votre système. Toutefois vous devez avoir une vision claire de ce que vous souhaitez apporter, fixez une intention et un objectif.
Personne n’a imposé l’utilisation de l’iPhone. Pourtant, malgré une complexité intrinsèque énorme, la simplicité d’utilisation et la valeur ajoutée apportée ont imposé cet appareil. Notez les trucs et astuces qui permettent de commander simplement votre smartphone par le truchement de l’écran tactile. C’est un exemple parfait d’une intégration de technologie parfaitement réussie.

Ne reproduisez pas un système ou un service tel qu’il existe. Profitez de l’occasion pour redéfinir le sens d’un service et réévaluer toute la procédure et toutes les fonctionnalités que vous souhaitez mettre en œuvre. Faites-vous challenger par des personnes externes afin de réfléchir hors du cadre.
Réinterrogez l’usage, le sens de la fonction et mettez l’utilisateur au centre de la réflexion.
Easyjet a redessiné les services liés à la commande d’un voyage. Pour la commande d’un billet d’avion, ils ne se sont pas basés sur l’existant mais ont imaginé un processus avec les outils à disposition. L’intention et la promesse ont été clairement définies dans le nom de la compagnie : « easy » et « jet ». Dans la durée, ils ont enrichi l’offre de service en prenant garde que la maturité numérique de leurs clients s’accommodait de cette complexification.

Osez le parti pris ! Les décisions tièdes amènent des solutions tièdes qui finissent par ne convenir à personne. Satisfaire tous les membres d’un comité de pilotage est le plus sûr moyen d’échouer. Les tenants d’un copil savent que c’est une bonne méthode pour diluer les responsabilités donc le risque personnel.
Ayez une vision claire et ayez le courage de la défendre. Puis confrontez votre proposition sous forme de prototype avec un panel de testeurs.
Ne présagez pas du succès ou de la pertinence de votre système. S’il faut oser le parti pris, il faut également la lucidité pour abandonner lorsque cela est nécessaire.

Conclusions
J’encourage tous les concepteurs et les acquéreurs de systèmes ou de services à méticuleusement évaluer l’ergonomie et la relation avec les produits. Une bonne expérience utilisateur est un différenciateur et un générateur de satisfaction dont on ne devrait pas se priver.

Concevoir de bons produits n’est pas simple d’autant qu’il n’existe pas de méthodes infaillibles et pas de consensus sur la bonne approche pour générer de la satisfaction d’usage.

L’effort est important, mais dans le cadre d’une concurrence exacerbée ou de la défense d’une réputation, il me semble indispensable de proposer une expérience utilisateur irréprochable.

© Pascal Rulfi, septembre 2021.

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L’accident de Rolle n’est pas une fatalité

Le vol massif des données de la commune de Rolle interroge sur le niveau de maturité numérique dans cette commune.

Le phénomène n’est pas nouveau, par le passé, j’ai accédé « par mégarde » à des informations très sensibles dans des organisations publiques et privées.
Et pour rappel, cela fait plus de trente ans que les ingénieurs tirent la sonnette d’alarme sur les risques réels liés à la sécurité informatique et prêchent malheureusement le plus souvent dans le vide.

Inculture et retard

Les réponses apportées par les exécutifs de la commune suite à ce piratage sont désarmantes de naïveté et d’amateurisme. Cette attitude face à l’infrastructure numérique est particulièrement grave s’agissant d’un outil stratégique pour toutes les organisations.

Durant des années, « l’informatique » a été achetée comme un camion, « l’internet » a été installé comme le téléphone, les licences logicielles payées à contrecœur et la sécurité évitée sans trop savoir de quoi il s’agissait mais avec la conviction que c’était trop cher. En clair le numérique a été abordé sans une réelle culture numérique et sans conscience des enjeux qu’il implique.

Pourtant, nos écoles d’ingénieurs sont parmi les meilleures du monde et ce ne sont pas les compétences qui manquent. Nous avons formé des pilotes de formule 1 pour piloter des écuries de tracteurs gérées par des amicales de sapeurs-pompiers. Dans ces conditions il n’est pas étonnant de se faire piller des données depuis des années et prendre un retard colossal dans la révolution numérique.

Tout ce qui touche à la sécurité demande de la stratégie, du challenge, des entrainements et des tests en condition réelle. Aurait-on idée de considérer que la sécurité incendie serait assurée par l’acquisition d’un simple extincteur, sans même avoir entrainé les pompiers ? Non, en aucun cas !

Le numérique est un domaine complexe qui implique des compétences très élevées et qui doivent être perpétuellement mises à jour. Un confrère actif dans la sécurité me confiait consacrer annuellement plusieurs dizaines de milliers de francs à sa formation continue.
Une petite structure ne peut s’offrir ce type de profil à demeure, ces experts sont obligatoirement mutualisés. Encore faut il y faire recourt.

La gouvernance

Le numérique requiert un effort important et constant. Il remodèle notre environnement et nos usages mais exige de l’attention et des décisions éclairées.
C’est donc au plus haut niveau des instances dirigeantes que la composante numérique doit être considérée.

L’industrie et les instances publiques, notamment la Communauté Européenne, publient pléthore de recommandations, de livres blancs et de cahiers de bonnes pratiques. Encore faut-il les appliquer et s’adjoindre les bonnes compétences avec une vraie stratégie.

Combien d’ingénieurs du numérique dans les parlements ou les conseils d’administration ?
C’est à mon avis là que le bât blesse. Il me semble urgent d’y remédier.

© Pascal Rulfi, août 2021.

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Publié dans Généralités, Gouverance, Informatique, Stratégie | Marqué avec , , , | Commentaires fermés sur L’accident de Rolle n’est pas une fatalité

Lieux et innovation

J’ai eu l’occasion d’intervenir dans nombre d’entreprises dans divers secteurs d’activité. J’ai ainsi constaté qu’il était des lieux dans lesquels je me suis senti immédiatement à l’aise alors que d’autres m’ont semblé désagréables à vivre.

La configuration des lieux de travail est beaucoup plus importante qu’il n’y parait. Sensible aux ambiances et aux tensions, j’ai pu observer des lieux qui créaient des climats pesants ou qui ne favorisaient pas l’échange.

Les PME ont rarement l’occasion de se pencher sur leur environnement de travail. Elles occupent des espaces dont la configuration a souvent été imposée. Pour les plus chanceuses, celles qui ont l’occasion de créer leur propre espace, elles commandent des projets d’architecte dont j’ai pu constater que l’issue n’est pas toujours heureuse.

Je me garderai bien d’émettre un jugement sur la qualité architecturale de tel ou tel édifice tant je suis ignorant en la matière. Toutefois, si je retiens le principe « la fonction crée la forme » édicté par les architectes fonctionnalistes, j’observe que la finalité des lieux n’a pas toujours été prise en compte.

Je précise que les environnements qui suscitent mon intérêt sont liés à la création, l’innovation et/ou l’ingénierie. Cela exclu à priori les activités de production, qu’elles soient industrielles ou administratives, qui supposent des tâches fixes et stables.

Peu agréable

Parmi les environnements qui me sont apparus comme contreproductifs, j’ai identifié quelques configurations peu propices au bien-être :

Les grands bureaux paysagers (open space)
Les arguments qui défendent ce type d’aménagement sont : le gain de place donc de coûts, une meilleure communication et ce qui est moins avouable, la surveillance mutuelle.
Pour ma part, le manque d’intimité, le bruit et la perception d’un manque de respect de l’individu rendent cette configuration désagréable voire contreproductive. Toutefois le bureau ouvert n’est pas à proscrire.

Le bureau fermé
Strict opposé de l’open space, le bureau individuel et fermé ne favorise pas l’échange et a tendance à isoler son occupant.
Les processus de création ou ceux qui nécessitent des échanges ne trouveront pas leur compte dans cette configuration.

Les longs couloirs
J’ai eu l’occasion d’expérimenter des configurations de locaux tout en longueur à plusieurs reprises.

Étrangement, j’ai constaté que cette disposition créait un sentiment de malaise qui ne favorisait pas la collaboration et l’échange. Le couloir est généralement vide. Les usagers ont tendance à se retirer dans un bureau comme si discuter dans le couloir au vu et au su de tout le monde était mal jugé. Lorsqu’ils se déplacent, ils accélèrent le pas comme pour fuir cette zone perçue comme inconfortable et se réfugient dans un bureau.
J’ai même observé dans une entreprise une polarisation du « territoire » avec « ceux du sud » et « ceux du nord » alors que la longueur du couloir était inférieure à 15 mètres !

Identifier les conditions favorables

Je me demande alors quelle serait la configuration la plus propice pour favoriser la collaboration et la productivité intellectuelle.

Cette réflexion s’appuie sur ma propre expérience, principalement dans un environnement lié au développement de logiciels et de services dans le domaine des technologies de l’information mais généralisable dans nombre d’autres activités.

La création de valeur par l’innovation est favorisée par l’interaction entre individus d’horizons différents mais également par la concentration.
Le mix est une respiration qui oscille entre des périodes d’échanges, des périodes de réflexion et des périodes de production.

Les périodes de production nécessitent le calme et le silence pour une bonne concentration mais également une ambiance décontractée et agréable.

Les périodes de réflexion individuelle doivent permettre de se concentrer sans être dérangé par des sollicitations externes.

Les périodes d’échanges prennent différentes formes de par la diversité des interlocuteurs et le mode d’échange (cafés, séances, brainstorming, etc). De plus les périodes d’échange informelles favorisent la cohésion du groupe.

Les échanges structurés sont organisés et les participants sont invités pour traiter différents sujets en principe fixés d’avance. C’est la séance que nous connaissons tous et dont l’abondance débouche sur une efficacité relative.

Un des challenges de l’innovation est de provoquer des échanges fructueux entre des personnes venant de différents horizons. L’objectif est de briser les silos, échanger, partager des idées hors des conventions, dans un esprit constructif et empreint de liberté.

D’autre part, les groupes de travail ne devraient pas être figés. Le brassage permet des partages d’expérience et de compétences qui enrichissent une forme d’intelligence collective.
A ce titre, je remarque que c’est exactement ce que proposent les espaces de co-working qui matérialisent une façon très actuelle de travailler.

Favoriser la collaboration et l’innovation

Quels seraient les besoins en matière d’aménagement ? Voici une tentative de réponse qui porte sur l’architecture intérieure des espaces de travail.

L’environnement de production
C’est un espace ouvert qui compte 4 à 7 personnes que je nomme « la forge« . C’est la configuration d’un open space mais de taille modeste.

4 à 7 personnes par groupe est une valeur que je trouve d’expérience assez idéale pour une activité de développeurs car il y règne une bonne cohésion d’équipe et une saine émulation.
Notons que cela correspond à la taille d’équipe préconisée par les méthodes agiles.
Cette valeur perd de son sens pour un environnement stable qui permet de tayloriser les tâches.

Le regroupement des personnes dépend de l’activité ou du projet mais sa composition n’est pas nécessairement figée dans le temps.

La forge est un lieu de vie qui doit être agréable et habité. Dans cet espace, une table autour de laquelle les collaborateurs peuvent partager des instants de discussion informelle. Cafés bienvenus.

L’environnement d’échange et d’isolement.
A côté de la « forge », une petite salle est mise à disposition, je la nomme le « bocal« . Par économie d’espace, on peut considérer un bocal pour deux forges.

Le bocal est isolé de la forge de sorte à ne pas être distrait par les sollicitations externes et ne dérange pas ceux qui ne participent pas à l’échange.
Il est principalement utilisé pour des échanges, qui se veulent actifs et interactifs. J’apprécie que le bocal soit équipé d’un tableau effaçable que je préfère au bloc de papier par sa capacité de partager et faire évoluer les idées. Enfin, je proscris les outils techniques tels que vidéoprojecteurs, écrans interactifs, dont la technicité et le coté unidirectionnel distrait de l’essentiel.

Le bocal permet également de s’isoler, il peut être utilisé à des fins de réflexion ou pour un usage privé, toutefois pour une courte durée car le lieu ne doit pas être investi comme un second bureau.

Enfin, le bocal est disponible, c’est une denrée suffisamment abondante qui ne nécessite pas de réservation planifiée à long terme. Tel le besoin pressant, le jaillissement d’idées doit trouver un refuge n’importe quand.

L’environnement de brassage
Certainement le lieu le plus complexe à imaginer dans l’articulation d’un tout. Il s’agit de créer un lieu propice aux échanges inter-équipes. A noter qu’il peut s’agir d’équipes d’une même entreprise mais également d’un cluster d’entreprises indépendantes.

Cet espace commun doit permettre d’échanger des idées mais également des services comme une place de marché. Elle devrait avoir les caractéristiques suivantes :

  • Être un lieu de passage quasi obligé (position centrale)
  • Être agréable à fréquenter
  • Proposer des ambiances ouvertes mais également plus intimes
  • Permettre de voir et d’être vu.

Le regroupement de personnes dépend de l’activité ou des projets en cours mais n’est pas figé dans le temps. Un collaborateur n’est pas attaché à un groupe, il se déplace en fonction des besoins et de ses propres intérêts, ce qui exige une grande flexibilité organisationnelle.

Ainsi la constitution d’une équipe pour un projet peut se faire sur la place de marché dans une forme de cooptation. Ce qui a le mérite de diminuer les tensions interpersonnelles d’une équipe figée et condamnée à collaborer en dépit des envies.

Ce lieu de vie offre une flexibilité des espaces, il est ainsi possible de « privatiser » un espace à des fins de conférences et/ou de formation. Des conférences/formation interdisciplinaires et ouvertes à tous ceux qui le souhaitent sans aucune limite au sujets traités. Seul le succès du sujet arbitre une éventuelle pérennité de la conférence.
A ce titre j’aime l’anecdote rapportée par Steve Jobs, l’emblématique fondateur d’Apple qui avait signalé que la formation la plus marquante de son parcours avait été un cours sur la calligraphie, qu’il avait appliqué pour dessiner les polices de caractère du macintosh. De la diversité nait l’innovation.

Conclusions

Ce petit sujet n’a aucune prétention et se veut plutôt récréatif. Toutefois, il relève l’importance de comprendre le besoin et l’activité des usagers. Je pourrais citer nombre d’exemples de locaux inadaptés à l’usage qui en sont fait : école, petite enfance, ateliers et autres. Des locaux conçus à grands frais par des architectes plus soucieux de laisser une trace que de créer des espaces adaptés.
Pire, des espaces conçus dans une vision fantasmée d’une activité.

Finalement, c’est un plaidoyer pour une démarche de conception inspirée du design thinking.
Il faut interroger le client et se mettre en empathie avec lui. Il s’agit d’établir ce que les utilisateurs font, pensent, ressentent et disent afin de comprendre les besoins réels et non présupposés.

Enfin, j’aimerais beaucoup voir dans ma ville un espace dédié à des clusters d’entreprises du logiciel. Par le partage et l’émulation ainsi que la proximité des grandes écoles, il s’agirait de créer les conditions favorables à l’éclosion d’une véritable industrie du numérique.

© Pascal Rulfi, août 2021.

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