Et si la transition numérique n’existait pas ?

L’informatique personnelle est devenue une réalité à la fin des années 70’. Aujourd’hui, quand j’observe mon téléphone mobile, je mesure le chemin parcouru en 45 ans par les technologies du numérique.

Mais alors, pourquoi cette injonction à entamer une transition numérique alors que rien de ce qui nous entoure échappe à la digitalisation ?

Les rapports, études et autres guides publiés depuis plus de vingt ans par l’Union européenne donnent une vision intellectualisée et politique du magma qui se cache sous le vocable de numérique. Dans la foulée, l’Europe promulgue des initiatives censées favoriser « une transition numérique ».
Ici, le numérique est une forme de solution magique qui doit apporter des bénéfices tels que le raccourcissement des délais, une meilleure expérience de l’usager et une meilleure productivité. Soit.

Très concrètement, les initiatives européennes ne semblent pas avoir provoqué des transitions ébouriffantes et disruptives. Et si la transition numérique n’existait tout simplement pas ?

Les technologies au service d’un but.
Lorsque le constructeur d’automobiles BMW a mis en place son système de « gestion des ressources d’entreprise », il avait notamment pour but une flexibilisation de son outil de production, ce qui lui permettait de proposer des voitures fortement personnalisées alors qu’elles sont produites sur une chaîne de production de grosse série. Cet enjeu industriel colossal est un des facteurs clés qui a permis à BMW de se hisser dans le segment dit « premium ». Ainsi le constructeur bavarois s’est démarqué de la concurrence et a fortement augmenté ses marges.
Si dans les années 60-70, BMW était un challenger d’Alfa-Romeo, aujourd’hui le résultat est sans appel. Le numérique a été un outil au service d’une stratégie claire et qui a apporté un avantage décisif dans le combat sans merci que se livrent les constructeurs.

La compagnie d’aviation Easyjet a rapidement intégré les technologies de l’information dans ses opérations. C’est ainsi qu’elle a très tôt proposé à ses clients un site de commande de billet en ligne.
Easyjet a profité de la déréglementation du ciel européen pour lancer une compagnie d’aviation. Sa stratégie est basée sur une politique de tarifs bas pour percer le marché. La maîtrise des coûts de bout en bout de sa chaîne de production a notamment passé par une simplification des processus de vente en supprimant les intermédiaires.
Une mise en œuvre pertinente des outils numériques a permis à Easyjet d’atteindre ses objectifs et de damer le pion à toutes les compagnies traditionnelles telles que Swissair.
Non seulement le numérique a permis de rationaliser ses coûts de production mais en plus elle offre une expérience unique pour ses clients qui peuvent choisir leurs vols à la maison, sans aide et sans stress, à des tarifs très compétitifs.
Le numérique a aidé Easyjet à mettre sa stratégie en application.

Le numérique facteur de performance.
Les deux exemples montrent que des outils issus du numérique servent efficacement une stratégie pertinente et des objectifs clairs. Ces exemples ne sont volontairement pas disruptifs, ils évoluent dans leurs marchés respectifs en exploitant tous les outils qui peuvent leur apporter un avantage compétitif.

Ces entreprises ont soit participé à l’évolution des produits numériques, soit développé elles-mêmes des produits innovants. Le tout devant apporter de la performance à leurs opérations.
Ces efforts participent à l’amélioration continue qui doit permettre, cas échéant, de creuser l’écart avec la concurrence. Dans nos exemples, il n’y a pas de disruption : une voiture reste une voiture et un service de transport aérien reste un service de transport aérien. En revanche, la qualité, la rapidité ou le prix du service et/ou du produit ont été délivrés avec un avantage concret pour le client.  Cet avantage a été obtenu en établissant une vision claire du résultat souhaité. La mise en œuvre s’est appuyée sur une boîte à outil technologique dont le numérique est aujourd’hui la principale composante.

L’injonction de transformation numérique comme seule motivation n’a pas de sens. Comme l’a dit Sénèque, « il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ». Ainsi, l’Union européenne et les gouvernements peuvent chanter les louanges de la transition numérique, cela restera sans effet, car la transition numérique n’existe pas comme but ultime à l’action.

Il n’en demeure pas moins que les outils issus du numérique sont puissants et apportent de la performance pour qui sait les exploiter.

Et si nous abordions le numérique par le bon bout, en commençant par définir une stratégie et des buts qui serviraient un objectif mesurable, unique et utile ?

© Pascal Rulfi, mai 2022.

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