Quelques considérations sur la Révolution 4.0

Après le Web 2.0, voilà l’Industrie 4.0 et sa généralisation, la Révolution 4.0, les nouveaux idiomes qui sont apparus dans le radar des tendances à s’approprier.

Est-ce une révolution de fond ? Et au-delà des concepts, comment aborder la Révolution 4.0 ?

De 1.0 à 4.01_locomotive

L’industrie 1.0 est née britannique, elle a pour origine la maitrise de la force mécanique par la machine à vapeur. La force mécanique initie la révolution industrielle du milieu du 19ème siècle et va bousculer le monde.
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L’industrie 2.0 est américaine, l’énergie électrique permet une plus grande flexibilité dans l’exploitation de la force et voit émerger la division du travail qui ouvre la voie à la production de masse. L’exemple même d’un bien produit en grande série est la Ford T née en 1908.
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L’industrie 3.0 reste américaine, elle est caractérisée par l’introduction des robots de production, pilotés par des ordinateurs qui automatisent entièrement les lignes de production. La machine remplace les hommes dès les années 70.

L’industrie 4.0 est un projet provenant du gouvernement Allemand afin d’encourager la révolution numérique des industries. Ce concept a des contours plus flous. Il s’agit d’une intégration massive des technologies digitales dans les processus industriels. Le but est d’obtenir une plus grande adaptabilité dans la production et une allocation plus efficace des ressources.
C’est ainsi que l’internet des objets, l’interconnexion continue des outils, les capteurs, les objets intelligents, la réalité augmentée, l’impression 3D, les big data et bien d’autres innovations sont à intégrer dans les moyens de production.

Comme toute révolution en marche, il est difficile de définir précisément ce qui constitue ce qu’on appelle l’Industrie 4.0, ce d’autant plus que les facteurs clés ne sont pas seulement technologiques mais également culturels et humains.

De la complexité du 4.0

La précédente révolution identifiée fut celle des ordinateurs. Beaucoup d’entreprises s’en sont dotées sans toujours anticiper ce que devait apporter cet outil. Ces entreprises trouvaient auprès des prestataires informatiques les aiguillons de leur évolution lesquels proposaient des solutions toutes faites pour le traitement de diverses tâches dans l’entreprise.
Le changement a bien eu lieu, même si les sommes investies n’ont pas toujours produit le retour sur investissement espéré, souvent faute d’objectifs clairs.

Au contraire de la vue homogène définie par les marchands de solutions, je définirais les éléments de la révolution digitale comme une immense boite à outil dans laquelle on trouve toutes sortes d’objets, de produits, de méthodes qui permettent de construire des solutions uniques.

On peut se demander quelle est la nécessité d’élaborer des solutions uniques, nécessairement coûteuses. Je considère que 80% des fonctions d’une entreprises sont plus ou moins équivalentes et peuvent se satisfaire de solutions et de méthodes généralistes. Cependant les 20% restant représentent la vraie différenciation par rapport à la concurrence, ce 20% est au cœur de l’avantage compétitif qu’il faut au minimum préserver, voire enrichir.
Les solutions généralistes ont tendance à normaliser les réponses et à lisser le différenciateur, d’où la nécessité de trouver des solutions innovantes afin de maintenir son propre avantage sur le marché.

La boite à outil géante qui constitue la révolution 4.0 n’est malheureusement pas fédérée par un acteur unique. Élaborer des solutions qui apportent de la valeur nécessite une démarche interne, profonde et permanente de l’organisation.
La construction d’une solution passe par une intégration pertinente des éléments à disposition. Ce constat a plusieurs corollaires :

  • Il n’existe pas de solutions globales livrées clé en main ;
  • Ce qui fonctionne chez le voisin n’est pas nécessairement pertinent pour moi ;
  • L’intégration d’éléments hétérogènes est fortement complexe ;
  • L’évolution est endogène.

La recherche d’un avantage compétitif va nécessiter une adaptation des pratiques et des outils.
Imaginer un futur nécessite de la vision, des connaissances, une capacité d’adaptation permanente et fédérer des expériences afin de construire des solutions.

Nous pouvons rapidement percevoir qu’il ne s’agit pas d’un projet technologique mais d’une approche globale qui va impliquer des hommes et des organisations.
La révolution 4.0 nécessite des hommes 4.0 dont les qualités seront agilité et compétences. Notons que ce sont des qualités que l’on attribue facilement à la génération des « digital natives ».
Fédérer les hommes 4.0 représentera le défi d’une organisation 4.0.

Les enjeux qui permettent d’aborder la révolution 4.0 sont multidimensionnels :

  • Disposer de compétences techniques et métiers
  • Réinterroger des processus et des pratiques intra, inter et extra entreprise
  • Avoir une curiosité et une réelle ouverture à ce qui est nouveau (dépasser les barrières des réticences) tout en restant pragmatique
  • Partager des expériences de façon démocratique et égalitaire
  • Avoir une réelle volonté d’amélioration continue (le kaizen japonais)

Le défi est de taille car il doit lutter contre tous les conservatismes et les résistances aux changements. De plus par son caractère multidimensionnel, je doute que les démarches top down puissent produire des résultats satisfaisants.

Si les organisations cloisonnées et figées ont peu de chance de créer leur révolutions 4.0, il faut néanmoins veiller à ne pas dériver dans des forums permanents, stériles et coûteux.

Quelques pistes pratiques

Comme relevé, la démarche « 4.0 » ne consiste pas à appliquer simplement de la technologie prête à l’emploi mais à élaborer des solutions en fonction de l’environnement dans lequel évolue l’organisation.

La révolution 4.0 nécessite de l’intelligence collective, ce qui me semble être une nouvelle plutôt enthousiasmante. La difficulté consiste à canaliser l’intelligence vers une « optimisation choisie ».

Première piste.
Notre société produit nombre de personnes toujours mieux formées et en quantité toujours plus grande. Je suis convaincu que nombre d’organisations traditionnelles gaspillent leurs ressources et n’encouragent pas l’épanouissement des talents.
Le marché dispose de quantité de personnes à la tête bien faite et qui ont monté une capacité certaine à maitriser de la complexité et atteindre des objectifs.
Il s’agit d’encourager l’initiative et d’éviter d’étouffer toute intelligence dans des tâches répétitives et inintéressantes.

Seconde piste.
La révolution 4.0 doit être comprise et assimilée par ceux qui dirigent l’organisation. Administrateurs et directeurs ont le devoir de donner l’impulsion, le support, l’orientation et surtout les objectifs attendus.
Une compréhension des nouveaux enjeux au plus haut niveau est indispensable. Des « stratèges technologiques » doivent accompagner les décisions stratégiques de l’organisation, non pas pour apporter des solutions toutes faites mais pour rendre attentif au champ des possibles.

Troisième piste.
Un modèle manichéen constitué d’un côté de dirigeant et de l’autre d’exécutants a vécu (l’image est certes caricaturale). L’innovation n’est ni déterministe, ni hiérarchique.
En d’autres termes, un département recherche et développement qui recherche dans son coin a peu de chance d’apporter des (r)évolutions positives. De même qu’un système imaginé dans les hautes strates a peu de chance d’apporter une plus-value.
L’organisation 4.0 demande une gestion des RH innovatrice capable de mixer les personnes de divers horizons, favoriser l’intelligence collective, interroger les pratiques, combattre les craintes, écarter les toxicités, créer du bonheur (si si), encourager et valoriser les idées tout en évitant les sources de déperditions (séances stériles, enfermement dans des voies sans issues, projets fleuves et j’en passe).

Ces trois pistes semblent relever du bon sens, cependant, la mise en œuvre est un authentique défi car complexe et sans méthode infaillible. Au demeurant l’organisation doit devenir intelligente et agile afin d’évoluer de façon fluide dans un environnement changeant.

De l’Industrie 4.0 à la Révolution 4.0

Le 4.0 est une impulsion qui vient du secteur industriel. Cependant il faut être conscient que tous les secteurs sont éligibles à la démarche 4.0, c’est ainsi que nous pouvons généraliser le concept d’industrie 4.0 vers la Révolution 4.0.

Voici deux exemples qui illustrent le phénomène :

La transformation des services de taxis par le système Uber. Cette révolution a été rendue possible par l’association de plusieurs éléments tels :
– la cartographie et les GPS qui permet de localiser et calculer des trajets;
– le big data par la capacité d’anticiper le trafic;
– une connexion permanente et mobile;
– une généralisation des terminaux intelligents.

Les initiatives smart city, notamment en matière de gestion du trafic. Un système tel que google trafic permet de connaitre en temps réel l’engorgement des routes sans passer par les systèmes de comptages. Un couplage en temps réel de la signalisation routière et des informations de trafic permettent d’ajuster automatiquement le flux de trafic. Pour se faire, nous retrouvons l’association du big data, des GPS embarqués, des connexions permanentes et d’une interconnexion avec l’ensemble de la signalisation routière.

Les exemples sont nombreux et ils sont déclinables dans tous les secteurs de l’économie et de la société civile.
S’agissant des collectivités publiques, nous devrions veiller à la réelle sensibilité de nos élus face aux mutations technologiques. C’est à eux qu’il appartient de donner les impulsions qui projetteront notre société dans une nouvelle ère et de coller au peloton de tête.

Le domaine du possible n’a que notre imagination pour limite. Ne rien entreprendre serait une faute.

© Pascal Rulfi, décembre 2016

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