Expérience de consommation (1ère partie)

L’expérience de consommation ou les attentes liées à un achat dans nos contrées a évolué durant ces 50 dernières années. Chaque décennie a été caractérisée par les grandes tendances de son temps.

Ces tendances sont largement documentées, mais il me semble intéressant de les passer en revue au moyen d’exemples tirés du secteur automobile.
L’industrie automobile est un marqueur intéressant de son époque. C’est un produit industriel de haute technologie qui évolue dans un environnement ultra compétitif et qui exige d’énorme investissement qu’il s’agit de rentabiliser. Un modèle est condamné à plaire et pour cela il doit refléter les grandes tendances de son temps.

L’illustration suivante résume mon propos.


Les années 60

Époque créative et contestataire durant laquelle la population découvre les joies de la société de consommation. Après les difficultés d’après-guerre, la société est résolument optimiste, la technologie est prometteuse et semble sans limites.
1969 l’homme se pose sur la lune, comment ne pas être ébloui par cette évolution galopante que rien n’arrête ?

Epoque bénie des industriels qui n’ont qu’un souci : produire suffisamment pour satisfaire le marché.
C’est la quantité qui qualifie cette décennie. La Renault 4, présentée en 1961 sera la voiture populaire qui symbolise ces années. Moderne, accessible, pratique donc populaire.
Construite sur l’ile Seguin, c’est notamment dans ses usines qu’auront lieu les grèves ouvrières de mai 68, tout un symbole.

Les années 70

Epoque plus troublée avec l’enlisement du conflit Vietnamien, la guerre du Kippour et en point culminant le premier choc pétrolier. C’est la fin des illusions, le monde découvre sa dépendance à l’énergie et la finitude de ses ressources.
Marées noires, grandes pollutions industrielles, duplicités politiques (Watergate) achèvent les 30 glorieuses insouciantes. La fin de la décennie accouchera d’un courant nihiliste dont les punks sont l’archétype, bonjour la génération X.

Le consommateur atteint une certaine maturité et n’accepte plus d’acheter les yeux fermés. Il se renseigne et peut désormais s’appuyer sur les associations de consommateurs qui émergent dans tous les pays (« à bon entendeur » est créé en 1976) afin d’évaluer la qualité d’un produit.

La VW Golf est présentée en 1974 me semble appropriée pour représenter cette décennie. Fonctionnelle, économique, fiable (elle ne rouille pas), c’est une voiture de son temps qui fera référence. Elle sortira Volkswagen de ses difficultés notamment causées par la monoculture de la Coccinelle.

Les années 80

Thatcher et Reagan initient la vague néo-libérale qui donne le ton. La reprise économique et une bourse qui s’envole, construisent ce qu’on appellera les années frics symbolisées en France par Bernard Tapie qui décomplexera l’argent roi.
Spéculation sur les marchés, instrument financiers, golden boys, junk bonds et délit d’initié entrent dans le vocabulaire. Plus près de nous, une spéculation immobilière de tous les excès mènera les banques, en particuliers cantonales en situation de faillite.
L’industrie informatique naissante génère des nouveaux millionnaires de moins de 30 ans. Tout est possible!

S’il y a eu les punks, c’est également le règne des paillettes et du paraitre. Champagne, disco et révolution gay achève de décomplexer le monde.

S’il est une voiture qui a symbolisé le paraitre pour toutes les bourses, c’est la Peugeot 205 GTI. Des publicités James Bondiennes concoctées par le toujours bronzé Jacques Séguéla feront date. Années broum broum où la voiture sera de préférence rouge et m’as-tu-vu pour se rendre au Macumba.

Les années 90

Guerre du Golfe et, plus proche de nous, éclatement de la bulle spéculative sur l’immobilier, les années 90 commencent par une mémorable gueule de bois.
L’effondrement du bloc soviétique et la fin de la guerre froide ont suscité un élan d’espoir avant de laisser le monde devant de grandes incertitudes. La fin des forces bipolaires nous laisse un environnement complexe qui est encore le nôtre aujourd’hui.

L’apparition d’internet ouvre le monde depuis sa chaise, il change les usages et révolutionne les services : voyages, banques, achats impactent et déstabilisent les acteurs traditionnels.

Ces changements renforcent la tendance du repli sur soi. La décennie consacre le cocooning et devient intimiste ; personnalisation et discrétion sont de mise.

L’Audi 80 break me semble être représentative de cette période. Le charme discret de la bourgeoisie, une carrosserie lisse, sans aspérité mais qui permet tous les excès de personnalisation, cuir et bois caché aux yeux de tous avec la suppression des signes distinctifs. Les « turbo » « injection » sur la malle arrière qui faisaient flores dans les années 80 disparaissent.

Les années 2000

Un certain 11 septembre consacre la complexité de notre monde et entérine la globalisation. L’insécurité devient l’enjeu de la campagne électorale française de 2002.

Dématérialisation et mondialisation, la valeur est générée par des intangibles alors que la marchandise elle-même, produite en Asie, ne vaut plus rien. Entre gratuité et cherté, le consommateur perd ses repères et attrape le vertige devant une planète désormais à portée de main.

L’automatisation et les télécommunications accélèrent le monde dans des proportions inconnues et surtout mal maitrisées. Les échanges d’argent dépassent la dimension d’une nation, la finance est infiniment plus nerveuse, les crises se succèdent à plus forte fréquence et l’impact est désormais global et sans filtre. C’est une décennie des déséquilibres dont la fin plongera l’économie mondiale dans une crise sans précédent.

Désormais, le consommateur n’acquiert plus un bien mais il vit une expérience qui doit être rassurante et positive. Il ne suffit pas d’acheter mais il faut être accompagné avant, pendant et après l’acquisition. Un produit devient marque et raconte une histoire qui se doit d’être authentique.

Pour notre propos, ce n’est plus une automobile qui illustre la décennie mais un environnement produit. Les marques imposent aux garages une image et un niveau de service uniformisé. C’est la fin du mécano en bleu de travail les mains noires de cambouis. Désormais le consommateur vit une expérience aseptisée, connectée et conforme à l’esprit de la marque.
Le BMW Welt est l’exemple d’un temple dédié à la marque, entre musée, garage et outil de propagande. C’est 2 millions de visiteur par an qui vivent l’expérience BMW et participent béats à la gloire du constructeur bavarois.

Et après…. Les années 2010

La question se pose de savoir quelle est la tendance de notre décennie déjà bien entamée.

Les fables de la mercatique perdent en crédibilité.
Les « digital natives » enracinent des habitudes d’immédiateté, que ce soit pour la recherche d’information que dans les habitudes de consommation. De par la multiplication des canaux, la vérité unique n’existe plus ce qui induit un comportement méfiant et pragmatique.

L’individu prend le dessus sur le groupe ringardisant définitivement les valeurs « dieu patrie famille ».
La relation est consommée par opportunité au travers des réseaux, elle est totalement plastique et opportuniste.

Pour qualifier cette décennie, les valeurs que je retiens sont: sens et immédiateté.

Pour revenir à nos exemples, la voiture ne constitue plus un marqueur, depuis la crise de 2008 le secteur croule sous les invendus, les jeunes ne se précipitent plus sur la bagnole qui n’est plus un synonyme de liberté.

S’agissant du transport individuel, je conclus que les valeurs qui caractérisent le mieux notre époque est le vélo électrique!

Finalement, l’histoire de l’expérience de consommation en occident des 60 dernières années pourrait être schématisée comme suit :

Ce schéma servira de ligne conductrice dans un prochain article. Il s’agira d’utiliser ce canevas comme évaluateur d’un service.

© Pascal Rulfi, novembre 2014

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